Yoshitaka Amano – « Le jeu vidéo n’est pas un art »
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Parce qu’il a su insuffler une forte identité à Final Fantasy, Yoshitaka Amano appartient aujourd’hui aux grands noms du jeu vidéo japonais. Son œuvre, mondialement connue, ne serait toutefois se réduire à cette seule «fantasy», dont l’artiste avoue aujourd’hui n’accorder que peu d’importance. Le talent d’Amano déborde en effet sur de nombreux autres supports, du monde parfois intime de l’art, en passant par la «japanimation» ou encore le cinéma. Retro Playing vous propose aujourd’hui de revenir sur cet itinéraire artistique si singulier, dont l’oeuvre, à bien des égards, su également bouleverser le monde de l’art. Suivez le guide!

Un style unique, hérité de l’Art nouveau

Amano puise avant tout dans des modèles occidentaux l’essence même de son travail. Des artistes tel que Dali, De Vinci ou encore Klimt sont pour lui des références. Mais plus encore, c’est à l’Art nouveau que l’œuvre d’Amano peut être le plus aisément identifiée.

L’Art nouveau est un mouvement artistique qui prend naissance entre la fin du XIXe siècle et le début du XXe siècle. Des artistes comme Tiffany ou encore Jugendstil en sont les figures de proue. Ce nouvel art, inspiré des estampes chinoises et japonaises, se caractérise essentiellement par une certaine sensibilité et inventivité ainsi que par des couleurs et ornementations sophistiquées capables d’évoquer la Nature et/ou la Femme. Nous retrouvons ici une bonne part du style et des thèmes abordés par Amano dans ses œuvres. Reposant sur l’esthétique des lignes courbes, les «femmes» sont effectivement inséparables de son œuvre. Celles-ci se trouvent souvent mises en scènes par des couleurs pastels, des courbes élancées et des compositions tantôt en demi-cercle, tantôt en croissant de lune.

Des premiers «coups de crayons» au studio indépendant

L’œuvre d’Amano est l’aboutissement d’un itinéraire fait d’audace et de rencontres fortuites. Né en 1952 près de Tokyo, Yoshitaka Amano est le cadet d’une famille de quatre enfants. Très tôt, le jeune artiste montre de sérieuses aptitudes pour le dessin. A tout juste quinze ans, il profite d’un passage à Tokyo pour présenter ses travaux au studio d’animation Tatsunoko. Séduit, le studio l’embauche avant de la hisser rapidement au rang de character designer. Ces années d’exercice -qui donnent entre autre naissance à Gatchaman et Maya l’abeille – lui confère une autonomie de travail et un savoir-faire surprenant où s’affine sa propre sensibilité. Le maître ressent alors le besoin d’élargir ses horizons artistiques et fonde en 1982 son propre studio indépendant: Ten productions. Le talent d’Amano explose alors. On fait appel à lui pour illustrer des magazines et livres fantastiques ou de science-fiction. Sa popularité est croissante. Ses livres d’arts se vendent comme des petits pains, ses expositions sont de véritables succès et des villes comme Bruxelles, New-York ou encore Orléans se battent pour héberger ses tableaux. Amano est incontestablement l’artiste japonais populaire de son temps.Sa carrière prend une autre orientation décisive en 1986. Après une brève collaboration avec le cinéaste Mamoru Oshii en 1984 -pour lequel il imagine les personnages et le story board de Tenshi no Tamago –, Amano est sollicité par Squaresoft, un éditeur de jeux vidéo relativement méconnu à cette date, pour lequel il accepte de concevoir l’univers et les personnages d’un soft nommé «Final fantasy»…

Final Fantasy, un vulgaire gagne-pain?

Nous nous méprenons souvent sur l’implication de Yoshitaka Amano dans la série phare de Squaresoft Final Fantasy. D’une part, pour le type de travail effectué, d’autre part, pour son implication personnelle même. Mieux, l’artiste étonne aujourd’hui par une certaine désinvolture. D’ailleurs, ne lui demandez pas si le jeu vidéo est un art, l’artiste vous répondra «Je ne veux pas qu’on se méprenne mais pour moi, le jeu vidéo n’est pas un art en tant que tel mais un regroupement d’arts. Parce que je ne suis pas certain que l’on puisse apprendre quelque chose du jeu vidéo. Lorsque je joue à un Final Fantasy, je n’ai pas l’impression de recevoir quelque chose de ce jeu. Et c’est pareil pour le cinéma. Le cinéma n’est pas là pour inspirer les gens mais il est le résultat d’une multitude de sources d’inspirations. C’est une sorte de compte rendu, une exposition fourre-tout». Pourtant, le succès de Final Fantasy, comme on le sait, est immense et donne une visibilité incroyable à l’artiste, élargissant de manière spectaculaire le nombre de ses fans.

Je ne veux pas qu’on se méprenne mais pour moi, le jeu vidéo n’est pas un art en tant que tel.

Amano

Mais Amano nous prend une fois de plus de cours, et nous confie ne pas accorder de «réels attachements à l’égard de Final Fantasy», dont il oeuvre en qualité d’illustrateur uniquement pour élargir son champs de compétences. Amano explique: «Final Fantasy m’a apporté énormément d’un point de vue de la reconnaissance internationale. Il m’a rendu célèbre auprès des joueurs de jeux vidéo. Mais d’un point de vue masse de travail, ce n’était pas du tout ma principale activité».

Cette activité, se faisait de plus de manière très dirigée. Il n’y a pas en effet de réel travail d’imagination de Yoshitaka Amano, mais uniquement (ou presque) d’interprétation. D’un point de vu «pratique», Amano nous confie recevoir ses commandes des équipes de Square de façon relativement précise, qu’il est  ensuite chargé d’interpréter visuellement. Sakaguchi rédigeait jadis par exemple à l’écrit des demandes détaillées pour chaque personnage et monstre issu de l’univers Final Fantasy. Pour Amano, relativement extérieur aux jeux vidéo et plus encore aux RPG, cela donnait lieu parfois à des confusions assez cocasses: Sur les feuilles, se trouvait parfois ce genre d’indications: «Nous avons besoin d’un monstre à quatre pattes, qui a une carcasse et une corne sur la tête…». «Il veut un rhinocéros ou quoi!?» (rires). Je ne sais pas ce que Sakaguchi-san s’imaginait quand il écrivait cela, mais c’était à moi ensuite de traduire, à ma façon, le fruit de sa pensée…»

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2 Commentaires
  1. Olivier RB

    Superbe Bio et très bien écrite j’aurais pu continuer à lire pendant des heures!!

  2. Bricev2

    Excellente bio en effet! Complète et concise, en plus d’être bien écrite! Bravo!

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