Pour son dernier titre sur Nintendo 64, Treasure, roi de l’action-shooter, se lance un ultime défi baptisé Sin & Punishment. Un tour de force à l’image du siècle qui vient de s’achever, en forme d’apothéose, qui n’a d’égal que la démesure de son propos et de sa mise en scène. Ayant fait ses preuves en matière de jeux de tirs avec le démoniaque Radiant Silvergun, le studio de Masato Maegawa ne compte pas se reposer sur ses acquis et veut pousser l’expérience encore plus loin, en profitant des capacités 3D de la 64 Bits de Nintendo. L’occasion de livrer un des derniers grands titres de la console.
Les créateurs japonais n’auront jamais été aussi inspirés dans leurs thématiques que lors de la fin du siècle dernier. Sin & Punishment, par-delà son titre emprunt de christianisme, s’ouvre sur un scénario post-apocalyptique narrant le chemin de croix du jeune Saki. Dans un univers apocalyptique, l’humanité alors en proie à la famine, s’est mise à jouer au petit savant mâtiné de péché originel en créant des espèces animales vouées à être élevées en batterie dans le seul but de nourrir une population mondiale aux abois. Après plusieurs mutations génétiques non prévues, ces hamburgers sur patte se sont retournés contre leurs créateurs, éradiquant dans un premier temps une grande partie du Japon. La Nintendo64, alors en fin de vie, était, de fait, la console idéale pour accueillir cette œuvre baroque et désenchantée.
Développé conjointement par le Nintendo’s Research & Development Department 1 et Treasure, Sin & Punishment se nommait initialement Glass Soldier. Pour en rajouter à la légende, il est le dernier jeu dont le développement a été dirigé par Hideyuki Suganami avant qu’il quitte la société. Resté en bons termes avec Treasure, il sera rappelé pour des travaux en freelance sur Gunstar Super Heroes (GBA) et Sin & Punishment: Star Successor (Wii). Prévues pour une sortie aux Etats-Unis et sur le sol européen, les aventures deSaki seront retirées du planning quelques temps après, jugées trop difficiles à appréhender par le public occidental, à tout niveau (design, scénario, jouabilité, difficulté).
Rail shooter en 3D, digne héritier de Cabal et Nam-75, Sin & Punishment bénéficie en effet d’un gameplay chiadé et exigeant: diriger à la fois le viseur et les mouvements de Saki,requiert technique et synchronisation. Tout l’art des chorégraphies du garçon réside dans sa capacité à straffer, faire des double-sauts, ou mettre des coups de sabre électrique au corps-à-corps. Le joueur peut en outre changer à tout moment de mode de visée et choisir entre un auto-lock pratique mais à la puissance réduite et un mode manuel, plus classique et plus costaud. Loin d’être à court d’arguments, la Cannon sword de Saki permet également de renvoyer les projectiles des ennemis et infliger d’importants dégâts, à la manière d’un Gigawing. Ce système de jeu jouissif et bien huilé n’a d’égal que la difficulté du soft, basée sur un die & retry intransigeant et punitif. Une sorte de parcours du combattant qui sait récompenser le joueur à la hauteur de l’effort consenti. De quoi maintenir en éveil les plus récalcitrants des gamers. Mais réduire Sin & Punishment à sa seule jouabilité serait réducteur, tant la réalisation et les séquences grandioses participent du feu d’artifice visuel et émotionnel.
Le scénario extravagant sert pour le coup de prétexte à Treasure pour pousser les délires de mise en scène oniriques et métaphysiques, lorgnants parfois du côté de Evangelion et Xenogears, mixés à la sauvagerie métallique des gunfights intensives et décérébrées. Visuellement chiadé et fignolé à l’extrême, il se pare d’une palette de couleurs variée, alternant sobriété et extravagance, pour une immersion et une ambiance irréprochables. Faisant clairement parti des meilleurs jeux de la 64 bits de Nintendo, Sin & Punishment a marqué les esprits au point d’inciter Nintendo à le sortir en 2007 sur la console virtuelle de la Wii. L’occasion pour le public occidental de découvrir (enfin) cette perle oubliée de la ludothèque Nintendo64. En définitive, ce chef d’œuvre du rail shooter, constitue sans doute le représentant le plus barré du genre et aussi son meilleur ambassadeur. Un indispensable pour les fans du genre… et les autres. Notons également que Treasure a pensé aux plus masochistes d’entre nous en proposant un mode de difficulté «Turbo», qui oblige à jouer le jeu en accéléré. A réserver aux pros! Enfin, l’aventure peut être parcourue à deux joueurs, le deuxième contrôlant non pas un personnage mais un viseur supplémentaire. De quoi se mettre à l’abri de toutes les critiques.
Ayant parfaitement conscience du capital sympathie de la licence, et restant toujours à l’écoute des fans, Nintendo a par ailleurs intégré Saki dans la version Wii de Super Smash Bros, en tant qu’Assist Trophy. Il utilise alors sa Cannon Sword pour attaquer, que ça soit en frappant avec la lame de celle-ci ou en tirant devant lui. Loin de s’arrêter en si bon chemin, le héros sera également présent dans Super Smash Bros sur Wii U. Néanmoins il ne sera encore une fois qu’un striker et ne sera pas directement jouable.
L’avis de Ashounet
Si la Nintendo64 a peiné à attirer une fange de core gamers, du fait d’une étiquette « console à mascottes », Treasure a relevé un défi de taille: proposer un jeu de niche et revisiter le rail shooter. La manette de la N64, ici judicieusement utilisée, est l’outil idéal pour proposer une jouabilité riche et variée. Treasure prend alors un malin plaisir à alterner les angles de vue et le rythme des séquences, pour mieux faire voyager le joueur, béat d’admiration devant une telle maîtrise du sujet. Comme à son habitude, le studio de Masato Maegawa enfonce des portes et transcende un genre. Mieux, il impose sa création comme le nouveau mètre-étalon du genre, une apothéose qui n’a pour seuls concurrents sérieux que la série Panzer Dragoon, ou sa propre séquelle, Successor of the skies, sortie sur Wii en 2009. Du bon et beau shoot comme on n’en fait plus!